L’envoyé a la confiance aimante de Celui qui l’envoie !

A l’occasion de la rencontre des prêtres du diocèse de Pontoise ce mardi 3 octobre 2023, Mgr Stanislas Lalanne a prononcé une homélie sur « l’envoi des 72 » dans l’évangile selon saint Luc.

Homélie de Stanislas Lalanne
lors de la messe du presbyterium
Mardi 3 octobre 2023, à Magnitot (Val-d’Oise)

Jésus vient juste d’envoyer les Douze en mission. Il les appelle et les envoie proclamer le règne de Dieu, annoncer la Bonne Nouvelle, faire des guérisons. Il y a urgence, urgence pour la mission. Ils sont 12 et l’Eglise, le peuple de Dieu, est à fonder : à 12, ils représentent les 12 tribus d’Israël. 

Et voici que Jésus recommence à appeler, et à envoyer ! Non plus 12, mais 72. Tant qu’elle n’est pas achevée, la mission réclamera des ouvriers nombreux et divers. Nous en sommes ! 

C’est notre joie d’être les hommes de l’ouverture à Dieu avec tout ce que cela veut dire : depuis ce chemin intime de la découverte du Christ, où on passe des ténèbres à la lumière, de l’alliance du désert jusqu’aux épousailles les plus secrètes. 

C’est la joie de guider ce chemin vers Dieu, de consacrer les hommes et de leur dire que Dieu est leur Père. C’est bien le sens de l’évangélisation toujours renouvelée qui est notre joie profonde. 

Tant qu’elle n’est pas achevée, la mission réclamera des ouvriers nombreux et divers. Nous en sommes !

Je reviens sur ce chiffre de 72, chiffre symbolique désignant les peuples du monde entier, les 72 peuples de la terre dont parle la Genèse. La mission n’est donc plus confiée seulement à quelques-uns, elle s’adresse à tous. Luc n’a de cesse de rappeler que la Bonne Nouvelle n’est pas destinée seulement au peuple élu. Elle doit résonner « jusqu’aux extrémités de la terre ». 

Les 72 sont envoyés 2 par 2. Ce ne sont pas des individus isolés qui sont appelés. Ils sont désignés et envoyés 2 par 2, pour être des témoins. Un témoin seul risque fort d’être perçu comme un gourou ou un faux prophète. L’annonce de l’Evangile supporte mal de faire cavalier seul. 

Être envoyés deux par deux,

  • c’est être appelés à faire équipe avec un autre,
  • c’est découvrir l’autre différent de soi,
  • c’est faire ses premières armes avec les rudiments de la vie communautaire,
  • c’est faire l’expérience de l’Eglise.

Luc n’a de cesse de rappeler que la Bonne Nouvelle n’est pas destinée seulement au peuple élu. Elle doit résonner « jusqu’aux extrémités de la terre ».

Pouvoir, avec un ou des frères, parler et reparler du chemin parcouru, des personnes rencontrées, des événements vécus. Que c’est important de former ces petites fraternités entre prêtres… 

Pouvoir reconnaître dans la force du partage et la grâce du dialogue le visage de Celui qui rejoint en chemin ceux-là mêmes à qui il donne mission de prendre la route, comme les disciples d’Emmaüs. 

Cette marche deux par deux, c’est aussi la marche des premiers missionnaires, comme Paul et Barnabé, Barnabé et Marc, Paul et Silas. « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » 

Cependant, ceci ne dit pas tout sur ce besoin répété qu’éprouve Jésus d’envoyer des hommes diffuser la Bonne Nouvelle. Je dirais familièrement que l’envoi c’est, pour lui, « une spécialité maison » ! N’est-il pas, lui-même un « envoyé » ? « Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie. »

Chers amis, à l’origine de tout envoi en mission, il y a un coup de cœur de la part de notre Dieu !

Chers amis, à l’origine de tout envoi en mission, il y a un coup de cœur de la part de notre Dieu ! Un coup de cœur qui exprime :

  • une tendresse infinie pour l’ensemble des hommes
  • et, en même temps, un amour très personnalisé pour celui qu’il appelle pour chacun de nous. 

Car l’envoyé, certes, a un message à transmettre, mais, avant tout, il est l’objet de la confiance aimante de Celui qui l’envoie. Il se découvre branché sur la vie de Dieu, associé à son projet. Car, aujourd’hui comme hier, l’envoi est inséparable de la Parole du Maitre : « Allez, je vous envoie, n’ayez pas peur, je suis avec vous. » 

Cette parole, nous la connaissons bien. Nous savons qu’elle nous concerne au premier chef, comme prêtres à la manière des apôtres. 

Je sais que notre ministère apostolique auquel nous participons est exposé. C’est pourquoi cette fraternité entre nous est vitale même si elle peut prendre des formes différentes en fonction de chacun…

L’envoyé, certes, a un message à transmettre, mais, avant tout, il est l’objet de la confiance aimante de Celui qui l’envoie.

Je sais que, parfois, le découragement peut nous saisir devant les difficultés de proposer la foi, pour au moins deux raisons :

  • la première vient de nos propres faiblesses, de notre histoire personnelle, de notre sensibilité, des blessures de nos vies peut-être, de nos peurs et aussi de notre péché ;
  • la seconde raison, c’est la difficulté propre à notre ministère : difficultés relationnelles à l’intérieur de nos communautés ou entre confrères, rejets éventuels, moqueries ou, tout simplement, l’indifférence que nous pouvons rencontrer. 

Tout cela nous touche, nous ébranle parfois, dans nos convictions les plus ancrées. Le risque est alors de se renfermer, se couper des autres, perdre confiance, voire se durcir. 

C’est pourquoi, à certains jours, nous pouvons envier ces 72 qui partent pleins d’enthousiasme et qui reviennent – au dire de Luc – « tout joyeux ».

Si vraiment la mission est cette entreprise de salut public, jaillie du cœur de Dieu, pilotée par son Esprit, elle reste toujours d’actualité.

Allons-nous, pour autant, baisser les bras ? Si vraiment la mission est cette entreprise de salut public, jaillie du cœur de Dieu, pilotée par son Esprit, elle reste toujours d’actualité, même si, en certaines de ses modalités, elle doit évoluer. 

Dans les années qui viennent, vous aurez certainement à réfléchir à nouveaux frais aux conditions de la mission, à sa mise en œuvre, aux chemins pour annoncer l’Evangile. C’est cela qui marque le bonheur d’être prêtre. 

Et puis, la mission n’est pas réservée seulement aux ministres ordonnés. Elle concerne tous ceux et celles qui entendent l’appel du Christ, dans la diversité de leurs situations, de leurs charismes.

La mission n’est pas réservée seulement aux ministres ordonnés. Elle concerne tous ceux et celles qui entendent l’appel du Christ.

Dans l’Eglise, dans le corps de l’Eglise animé par l’Esprit Saint, chacun reçoit sa part de la mission commune, chacun selon ses capacités et la générosité de son cœur. 

Chacun, aussi malhabile soit-il, est appelé à « rendre compte de l’espérance qui l’habite ». C’est, en effet, dans la pauvreté, voire dans la faiblesse, que se déploie la puissance de l’Evangile. 

Les disciples sont partis sur les routes de Palestine « sans argent, ni sac, ni sandales » mais forts seulement de la parole du Christ et de son Esprit. Et ils sont les premiers étonnés de voir à quel point leur présence sur le terrain fait reculer les forces du mal et progresser le Règne de Dieu. Ce qui montre que l’envoyé au nom du Christ n’a rien d’un bonimenteur, encore moins d’un sergent-recruteur. 

Il est un témoin, j’allais dire un témoin ordinaire qui pressent seulement que rien ne se communique, rien ne se transmet si le premier mouvement n’est pas celui de l’amour. 

Le Seigneur invite les 72 à ne pas se glorifier de ce qu’ils pourraient considérer comme des succès apostoliques. Peut-être que nous n’éprouvons pas ce type de tentation ! 

Alors, gardons au cœur le désir d’avancer avec nos frères sur les chemins de ce Royaume où nous espérons qu’un jour nous y trouverons inscrits notre nom et le leur. Amen.

3 octobre 2023

 
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de l’évangile selon saint luc


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